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Le « majlis khudam-ul-Ahmadiyya » (bureau national des jeunes de la Ahmadiyya) à l’épreuve de la remobilisation

Affalikro, samedi 13 août 2022, j’assiste, dans le cadre de l’organisation de la convention nationale de la jeunesse Ahmadie (salana ijtema khudam), à une réunion de travail du vice-président n°2 de la jeunesse Ahmadiyya (naïb sadr khudam) avec la communauté musulmane éponyme dudit village. Le naïb sadr khudam Sekongo Salif a été accueilli, entre autres, par le missionnaire local et le président de la jama’at à la mosquée de la communauté située au quartier « paradis ».

A droite : le naib sadr (bonnet noir/t-shirt) blanc accueilli à la mosquée par le missionnaire local (à gauche en chemise manche longue) et quelques membres de la communauté

Bourahima Diomandé, août 2022

Accompagné du représentant des jeunes Ahmadis d’Abengourou (caïd régional) et de son adjoint, le naïb sadr, dans son discours, invité la jama’at locale à tout mettre en œuvre pour une participation active des jeunes (khudam) à la salana ijtema. La jama’at, tout en se réjouissant de cette visite, a exposé sur le travail de mobilisation en cours.  Elle a, par ailleurs, fait part de certaines difficultés logistiques dont le transport des membres à Abidjan. Le naïb sadr, tout en rassurant avoir pris bonne note, a invité la jama’at locale et régionale a trouvé une solution qui permettrait d’amoindrir le coût du transport.

Bourahima Diomandé, août 2022

À noter que depuis l’apparition de la covid-19 et conformément aux mesures sanitaires édictées par l’État de Côte d’Ivoire, la Ahmadiyya en general et le majlis khudam (le bureau national de la jeunesse) en particulier avait mis en berne ces activités de grands rassemblements. C’était le cas de la salana ijtema khudam, le plus grand rassemblement des jeunes Ahmadis à l’échelle nationale. La nouveauté est que cette année la majlis khudam est parvenue à son autonomie financière. De fait, aucune demande d’aide financière n’a été introduite auprès du Khalife à Londres.

Photo de famille servant notamment de support au naib sadr pour son rapport de mission

Damiba Salif, août 2022

Une journée avec un missionnaire

Saddiq Ahmad est missionnaire au compte de la communauté islamique Ahmadiyya dans la région d’Abengourou. Après avoir servi respectivement en tant que missionnaire dans la ville d’Oumé, de Yamoussoukro et de Bouaké, il est actuellement le missionnaire régional d’Abengourou. Dépuis ma première rencontre avec Saddiq, je me rends chaque jour au siège de l’association pour échanger avec lui. Comme chaque jour, Saddiq me reçoit à son bureau qui sert également de siège à l’association; siège qui abrite également la mosquée et la bibliothèque de la communauté. Comme chaque jour, ma conversation avec Saddiq commence par des questions relatives à la conception de l’islam selon la Ahmadiyya. Par la suite, le missionnaire m’informe sur l’organisation et le fonctionnement de la communauté islamique Ahmadiyya. Ce matin, versets bibliques et coraniques à l’appui, Saddiq m’entretient sur la croyance des Ahmadis selon laquelle « Jesus Christ a survécu à l’épreuve de la crucifixion mais est mort plus tard dans un exil en Inde ». Il me parle également du système de financement de la Ahmadiyya tout en me présentant les reçus et cachets utilisés pour attester des contributions. Vers 11 heures, Saddiq se rend à l’école pour chercher son fils. Lorsque je le retrouve dans l’après-midi, Saddiq était dans un garage où il réparait son véhicule. Il en profite pour répondre à des questions, notamment celle d’un mécanicien « si un musulman peut réparer un véhicule spécialisé dans la distribution de bières ». Après la prière du soir qu’il dirige, Saddiq consacre entre 30 minutes et 01 heure du temps à l’apprentissage du Coran aux enfants (y compris les filles) Ahmadis. Avant de prendre congé de lui, Saddiq me consacre quelques minutes d’échanges sur la vie de la communauté Ahmadiyya.

Mot clés : Islam, Ahmadiyya, Missionnaire, Education, Abengourou.

« Aucune nation ne peut se reformer sans la reforme de sa jeunesse »

Grand-Bassam, dimanche 05 juin 2022, la Ahmadiyya tient son assemblée régionale dans le village de Koffikro. La mobilisation est de taille : 1600 participant.e.s issu.e.s de 21 jama’ats (missions) selon les résultats du recensement. Au cours de la cérémonie, je suis impressionné par l’importance accordée aux anfals, c’est-à-dire les enfants dans le fonctionnement de l’association. Après la montée simultanée des drapeaux de la république de Côte d’Ivoire et de la Ahmadiyya, quatre (04) jeunes hommes se postent aux différents angles d’un carré imaginaire sous le drapeau. Jusqu’à la fin de la cérémonie qui a duré au moins quatre (04) heures, ils s’y relaient : « c’est un message important qui leur est transmis de cette manière : l’obéissance aux aînés. C’est aussi une lourde responsabilité qui leur est confiée ainsi, celle de protéger et de diffuser l’islam [Ahmadiyya] partout où ils se trouvent. Normalement, même en cas de pluie ils ne doivent pas s’abriter » me précisent mes informateurs.

Le système électoral de la Ahmadiyya, une bureaucratie inventée ?

Suivant le mode de fonctionnement de la Ahmadiyya, l’élection n’est pas précédée d’une campagne électorale. Il n’est même pas possible pour les candidats de faire campagne. De plus, les candidats ne sont pas connus d’avance. Ils sont proposés le jour de l’élection au sein de l’assemblée par d’autres membres de la communauté. Il est interdit de s’autoproclamer ou de se proposer candidat. On ne peut être proposé comme candidat que par un autre membre. Cette proposition de candidature, pour être validée, doit avoir au moins le soutien d’un autre membre ; autre que le proposant (la personne qui est à l’origine de la proposition) et le proposé. Il est ensuite demandé au proposant de justifier son choix. Durant son intervention, il lui est exigé de vanter strictement les mérites du candidat, c’est-à-dire sa disponibilité, son engagement, son comportement, etc. Tout dénigrement des autres candidats est proscrit. Lors du vote, le proposant et le soutien du candidat sont dans l’obligation de voter pour leur candidat. Ce qui est impressionnant dans le système électoral de la Ahmadiyya est que le candidat proposé peut lui aussi, à son tour et s’il le désire, proposer un autre membre de la communauté comme candidat. Dans ce cas, il doit voter pour ce dernier. Dans la Ahmadiyya, il n’y a pas d’abstention : tout le monde vote. Pour s’en rassurer, le vote se fait à main levée. Après le vote, les résultats du scrutin sont consignés dans un procès-verbal qui est transmis à la hiérarchie. Dans certains cas, notamment au niveau national les résultats du vote sont portés à la connaissance du Khalife qui, après une « prière spéciale », peut décider de les maintenir comme tel ou de les modifier. Dans ces genres de situations, le « vaincu » peut être déclaré vainqueur.

La politique d’affectation, un exemple de religiosité bureaucratisée chez les Ahmadis

Le missionnaire joue un rôle indispensable dans la stratégie de diffusion de la Ahmadiyya. Il est en effet, pour parler comme un interlocuteur lors d’une causerie informelle au sujet de ces acteurs religieux “au début, au milieu et à la fin” de la vie religieuse au sein de la communauté islamique Ahmadiyya. Résultant probablement de la structuration très hierarchisée de l’association, le missionnaire est soumis à une politique d’affection qui se fait selon les bésoins de la tutelle.

Note d’affection d’un missionnaire

“Le système de contribution, c’est la bénédiction de notre communauté”

« Le système de contribution, c’est la bénédiction de notre communauté ». C’est par ces propos qu’une adhérente de la Ahmadiyya entamait avec moi une causerie informelle au sujet du financement de ladite communauté. S’acquitter de sa contribution financière est, en effet, un devoir fondamental dans la vie de tout membre de la communauté islamique Ahmadiyya. Mais comment fonctionne ce système ? Dans les lignes qui suivent, j’en présente quelques grands traits.

S’acquitter de sa contribution financière est un devoir fondamental dans la vie de tout membre de la communauté islamique Ahmadiyya. Ce devoir est d’ailleurs l’une des implications de la prestation d’allégeance appelée baya’at/bai’at. La résolution n°10 des Conditions de la bai’at stipule : « qu’elle [la personne qui prête l’allégeance] établira un lien de fraternité avec cet humble serviteur d’Allah que je suis (le Messie Promis) s’engageant, pour l’amour d’Allah à m’obéir en toute chose bonne et qu’elle respectera cet engagement jusqu’à sa mort ; et qu’elle fera montre d’un dévouement si total dans le respect de ce lien, qu’on ne trouvera pas de pareille dans aucune autre relation terrestre où sont requis dévouement total et sens du devoir ».

Suivant cette disposition, chaque membre de la Ahmadiyya offre une partie de son revenu à la communauté. Le système de contribution financière de la Ahmadiyya comprend deux niveaux. Le premier niveau correspond au 1/16 du revenu du membre. Il est obligatoire pour tous-tes les membres. Quant au second niveau, il est réservé aux membres de la communauté qui veulent « donner plus ». Il est composé de deux catégories : la Chanda A’am où aucun taux n’est fixé et le Wassiyat qui renvoie soit au 1/10, 1/5 ou 1/3 du revenu du membre. Chaque membre a la possibilité d’indiquer le domaine dans lequel il souhaiterait verser sa contribution comme le présente la photo ci-après.  

Quittance de paiement d’un membre

Sur cette photo, Jalsa Salana renvoie à la contribution finançière dédiée au rassemblement annuel formel des membres de la communauté Ahmadiyya dans un pays ou une région donné-e. Les expressions Tahrik-e-Jadid et Waqf-e-Jadid désignent deux contributions lancées respectivement en 1934 et 1957 par le deuxième calife, Mizra Busheer-und-Din Mahmood, fils aîné de Mirza Ahmad Ghulam, qui faisait face à défection de membres influents, qui refusèrent  de reconnaître son autorité en raison de son jeune âge (25 ans), et dont les départs ont affaibli [financièrement ?] la communauté. Ces deux contributions servent à propager l’islam Ahmadiyya, notamment par l’édition d’ouvrages, la formation et la prise en charge de missionnaires.

Limitées au départ aux Ahmadis du Pakistan, elles ont été étendues à l’ensemble de la communauté Ahmadiyya dans le monde par le quatrième calife, Mirza Tahir Ahmad. Le terme Sadaqa correspond à un don spontané. Par contre, Zakat, désigne une aumône obligatoire versée annuellement (2.5% des avoirs) par tout-e musulman-e dont la richesse dépasse le nissâb (seuil minimum de richesse en Islam). MTA est la contribution réservée à la télévision de la Ahmadiyya, Muslim Television Ahmadiyya. Enfin, comme son nom l’indique, Fonds Mosquée est une contribution consacrée à l’édification de mosquées.

L’acquittement de la contribution est attesté par la délivrance d’une quittance de paiement. C’est une obligation pour celui/celle qui joue le rôle de caissier de délivrer la quittance de paiement et pour le contributeur de la réclamer si d’aventure le premier ne le fait pas. Il est bon de préciser qu’il est possible de payer pour les defunt-e-s [le cas de la quittance en illustration]. De même les non-ahmadis peuvent participer à la collecte de fonds. Régulièrement, chaque jama’at verse sa contribution auprès de l’Amir qui, à son tour, les transfère chez le calife installé à Londres. Selon les besoins de chaque jama’at, le calife procède à une répartition des contributions. En définitive, « la vie de la Ahmadiyya est l’affaire de tous-tes ses membres. C’est pourquoi eux tous contribuent physiquement, moralement et financièrement pour la faire grandir » résumait, sous forme de conclusion, une autre interlocutrice.

Assemblée générale régionale de la Ahmadiyya à Abengourou

 

Du jeudi 23 au samedi 25 décembre 2021, j’ai participé à jalsa salana régionale (assemblée générale) des membres de la Ahmadiyya de la région de l’Indenié-Djuablin (Abengourou, Agnibilékrou et Bettié) qui a eu lieu à Abengourou et a enregistré la participation de responsables nationaux de l’association ainsi que de délégations venues de différentes sections régionales.

Mosquée Ahmadiyya d’Abengourou : réunion de l’Amir avec les bureaux locaux

En raison des restrictions liées à la pandémie du coronavirus (Covid-19), la Ahmadiyya a privilégié, depuis 2020, l’organisation de jalsas salanas régionales itinérantes qui enregistrent moins de participant.e.s comparativement à la jalsa salana nationale tenue ordinairement à Abidjan. Après l’étape de Bondoukou le 19 décembre 2021, une forte délégation de la Ahmadiyya s’est rendue à Abengourou.

Conduite par l’Amir Saheb Abdul Quyyom Pasha (chef missionnaire et président du bureau exécutif national de la Ahmadiyya), ladite délégation était composée de responsables des bureaux annexes de la Ahmadiyya, tels que celui des jeunes (khuddam), des anciens (ançar) et des femmes (nassirat). J’ai noté aussi la présence de responsables de l’ONG Humanity First et de délégations venues des villes comme Bouaké, Aboisso et Bouna.

Le responsable national de la Ahmadiyya (Amir) accompagné de quelques membres du bureau national et de missionnaires locaux et régionaux.

L’assemblée régionale a enregistré aussi la participation d’autorités politiques, notamment celle de l’adjoint au maire d’Abengourou, Monsieur Coulibaly Siriki.

La montée simultanée du drapeau de la Côte d’Ivoire et celle de la Ahmadiyya (avec l’Amir et l’adjoint au maire)

La jalsa salana régionale de l’Indenié-Djuablin a été une occasion, pour moi, de constater la présence de pratiques bureaucratiques au sein de la Ahmadiyya. Dans le cadre des préparatifs de la rencontre annuelle, j’ai assisté à différentes réunions tenues entre le missionnaire régional et le bureau exécutif local, notamment celui des anciens et des jeunes. Ces réunions ont porté, entre autres, sur l’état de la cotisation financière des membres, le choix des conférenciers et la validation des thèmes des conférences.

Concernant les cotisations par exemple, toutes les contributions ont été notées dans un carnet. En guise de preuve, à chaque contributeur est remis un reçu de paiement. Quant à l’organisation de la conférence, l’identité des conférenciers a été déclinée par le missionnaire régional. Il a ensuite motivé son choix avant de recueillir enfin l’avis de l’assemblée. 

Le jour de la cérémonie un groupe, posté à l’entrée principal du siège régional (Abengourou, non-loin de la cité Konaté), est chargé de recenser tous.tes les participant.e.s et de leur délivrer des cartes de participant.e.s.

Carte de participant à la jalsa salana régionale d’Abengourou

À un autre groupe est confié le recensement des personnes volontaires pour le don de sang. C’est une pratique courante chez les Ahmadis de Côte d’Ivoire. Lors des manifestations, l’association organise des campagnes gratuites de dons de sang avec le concours du Centre National de Transfusion Sanguine (CNTS). Dans le cas d’espèces, au total, 17 poches de sang ont été collectées.

Campagne gratuite de dons de sang organisée par la Ahmadiyya-Abengourou

Dans le même ordre d’idées des pratiques bureaucratiques, une séance de formation par vidéo projection en vue du recensement des membres de la Ahmadiyya en Côte d’Ivoire en general et en particulier ceux d’Abengourou a été organisée par la délégation venue d’Abidjan. J’y ai assisté. En marge de la cérémonie officielle, la jalsa salana régionale de l’Indenié-Djuablin est une occasion pour le responsable national de la Ahmadiyya de s’imprégner de la situation des sections locales.

Dans cette optique, une réunion a eu lieu entre l’Amir Saheb Abdul Quyyom Pasha et les responsables de la Ahmadiyya à Abengourou. Ladite réunion a été le lieu pour le missionnaire régional puis le bureau exécutif local d’exposer sur les activités menées ainsi que les difficultés rencontrées. L’Amir a, à son tour, donné des directives pour une plus meilleure exécution des tâches. Quelques jours après la jalsa salana une réunion-bilan a été organisée. Elle a été conclue par la mise en place d’un bureau des jeunes Ahmadis d’Abengourou.