Le projet en bref
Le projet “The contemporary expansion of corporate Islam in rural West Africa (CECIRWA)” a débuté en avril 2020. André Chappatte, socio-anthropologue de formation, en est le responsable. Financé par l’instrument Eccellenza du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS), ce projet est hébergé jusqu’en avril 2025 au Global Studies Institute (GSI) de l’Université de Genève.
Le groupe du CECIRWA se compose d’un post-dotorant, Bourahima Diomande, d’une doctorante, Salomé Okoekpen et d’un doctorant, Bassirou Gaye.
Durant sa première année, le projet a également bénéficié du travail d’une assistante de recherche, Aline Samaké, étudiante du Master en études africaines du GSI.
Chaque membre du projet travaille sur un pays distinct de l’Afrique de l’Ouest : Côte d’Ivoire, Guinée, Nigéria et Sénégal.
Motivation ethnographique
Selon les médias internationaux, sous la pression de groupes armés d’obédience dite “islamiste”, des États ouest-africains se sont récemment retirés de vastes zones du Sahel (centre du Mali ; nord-est du Burkina Faso, nord-est du Nigeria). Des discours alarmants ont également fleuri parmi les expert.e.s de l’Afrique de l’Ouest depuis la chute de Kadhafi dans la région. Les conseiller.ère.s en sécurité vont jusqu’à spéculer sur le fait que les régions de savane au sud du Sahel sont sur le point de tomber aux mains d’organisations terroristes promouvant un programme anti-occidental. Tout en reconnaissant le problème de l’insécurité au Sahel, les arguments en faveur d’une propagation vers le sud des organisations terroristes islamistes sont souvent fondés sur des spéculations relevant de l’émotionnel plutôt que sur des données empiriques solides.
Face à la résurgence, après le 9/11, de la peur d’un panislamisme “maléfique”, qui est également alimentée par l’actuelle Global War on Terrorism, il est urgent de proposer des descriptions concrètes de la multitude d’organisations musulmanes dites “légales” qui opèrent dans les zones rurales d’Afrique de l’Ouest. Il est effectivement important de d’explorer les motivations de ceux et celles qui choisissent de rejoindre le nombre grandissant d’organisations musulmanes pénétrant le monde rural ouest-africain.
Il est également crucial de comprendre les véritables aspirations, tensions et transformations qui mobilisent leurs membres dans une ère marquée par de nouvelles formes d’organisation, une connectivité croissante (accès à l’Internet mobile). Cette urgence se confirme aussi face à la rareté des travaux ethnographiques sur les vies musulmanes contemporaines en Afrique de l’Ouest rurale.
Ce projet de recherche explore donc, par le biais de terrains ethnographiques multisites, quatre études de cas représentatives d’organisations musulmanes qui développent leurs activités dans les zones rurales.
Bref état des lieux de l’étude des organisations musulmanes dans l’Afrique de l’Ouest rurale contemporaine
La plupart des monographies sur les organisations musulmanes en Afrique de l’Ouest contemporaines se rapportent à l’urbain (Mommersteeg 2009, Janson 2014 ; Soares 2005), plus précisément aux grandes villes (Alidou 2005, Miran 2006, Murtala 2017, Schulz 2012). Cette focalisation sur l’urbain a également été favorisée par l’association courante faite entre les processus de mondialisation et les grandes villes (Appadurai 1996, Sassen 2002).
A la fin des années 1980 et au début des années 1990s, Adeline Masquelier a exploré comment, dans l’arrondissement de Dogondouchi (Niger), un ensemble de pratiques de religions traditionnelles africaines a été façonné par la diffusion de l’islam dans cette zone essentiellement rurale (2001). Masquelier est retourné dans la même région dix ans plus tard pour étudier les réactions mitigées des femmes musulmanes face aux influences réformistes croissantes d’Izala dans leur région (2009). Ces deux études inspirent ce projet de part leurs engagements ethnographiques et leurs nuances analytiques.
Au cours de ses nombreux terrains dans le sud du Mali (2008 – 2010) et le nord de la Côte d’Ivoire (2014 – 2019), André Chappatte a toutefois observé un développement plus récent de l’islam en Afrique de l’Ouest : les ramifications de formes modernes d’organisation musulmane dans les zones rurales. Cette transformation associative de l’engagement musulman, que nous pouvons nommer “l’expansion contemporaine de l’islam d’entreprise dans les zones rurales d’Afrique de l’Ouest”, n’a pas fait l’objet d’études tant en Suisse qu’à l’étranger.
Perspectives thématiques
Les membres du projet s’intéressent à l’expansion de l’islam d’entreprise dans les zones rurales d’Afrique de l’Ouest à travers trois perspectives thématiques interdépendantes (cliquez sur les différents axes pour en savoir plus) :
Ces enquêtes ethnographiques mêlent des analyses conceptuelles anthropologiques, politiques et de géographie humaine.
Bibliographie
Alidou, O. 2005. Engaging Modernity: Muslim Women and the Politics of Agency in Postcolonial Niger. Madison: University of Wisconsin Press.
Appadurai, A. 1996. Modernity at large: cultural dimension of globalization. Minneapolis: University of Minnesota Press.
Janson, M. 2014. Islam, youth, and modernity in the Gambia: the Tablighi Jama’at. Cambridge: The University Press.
Masquelier, A. 2001. Prayer has Spoiled Everything. Possession, Power, and Identity in an Islamic town of Niger. Durham: Duke University Press.
———. 2009. Women and Islamic Revival in a West African Town. Bloomington: Indiana University Press.
Miran, M. 2006. Islam, histoire et modernité en Côte d’Ivoire. Paris : Éditions Karthala
Murtala, I. 2017. Sensational Piety. Practices of Mediation in Christ Embassy and NASFAT. PhD dissertation. Quastiones Infintiae. Enschede: Ipskamp Printing.
Mommersteeg, G. 2009. Dans la Cité des Marabouts, Djenné, Mali. France: Grandvaux.
Sassen, S. 2002. Global network, linked cities. New York: Routledge
Soares, B. F. 2005. Islam and the Prayer Economy: history and authority in a Malian town. London: Edinburgh University Press.